Le pragmatisme comme seule solution à la décarbonation des transports

La France accuse déjà un retard certain dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Il n’est toutefois pas trop tard pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. Pour cela, il faudra mettre le pragmatisme au cœur des décisions et des investissements. La décarbonation des transports, et notamment de la route, doit viser des priorités mesurables et mettre en œuvre des solutions viables techniquement. Les grands discours doivent se traduire par des actes.

Les engagements sont forts : la France ainsi que l’Union européenne (UE) ambitionnent d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Cette dernière a même exigé de ses États membres une réduction de 57 % de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) pour l’an 2030 — soit  dans à peine sept petites années. Derrière ces engagements particulièrement forts, on constate de très nombreux retards qui font craindre un échec à terme. Pourtant les solutions concrètes sont à portée de main.

Agir sur les secteurs les plus polluants

Le secteur des transports représente 31 % des émissions de GES en France, mais tous les transports ne polluent pas de façon égale. Le secteur aérien contribue ainsi à 4,4 % du total national, bien loin de la voiture particulière, qui est responsable, à elle seule, de la moitié des émissions du secteur. L’État a pourtant alloué 435 millions d’euros à la décarbonation de l’aéronautique, une somme importante, surtout quand on sait que la transition énergétique de ce secteur est lointaine, pour ne pas dire chimérique. L’avion à hydrogène ne devrait effectivement pas être prêt avant 2035, et la décarbonation intégrale de l’aviation pourrait coûter jusqu’à 10 000 milliards de dollars d’ici à 2050, selon le cabinet de conseil américain Bain & Company. Une somme d’autant plus démesurée quand on sait que le secteur aérien contribue à seulement 2 % des émissions mondiales de GES.

Les usages sont également différents : il est possible de remplacer l’avion par d’autres modes de transport ou de renoncer à certains voyages, mais il est difficile (voire impossible) de renoncer à la voiture pour le moment. En France, 80 % du territoire ne propose aucune alternative à la voiture pour se déplacer, et les trois quarts des Français l’utilisent pour se rendre au travail.

Ainsi, l’État doit impérativement flécher les investissements en priorité vers le secteur routier et la voiture si la France veut se donner les moyens d’atteindre les objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC).

 

Accélérer le déploiement des véhicules électriques

En 2019, les voitures particulières ont émis 69,5 Mt CO2 eq. GES, soit environ 16 % du total des émissions nationales. Entre 1990 et 2018, les émissions de GES des véhicules particuliers ont même augmenté de 10 %. Le remplacement progressif des voitures thermiques par des véhicules électriques constitue, en toute logique, l’un des premiers axes d’amélioration. L’UE a d’ailleurs décidé d’interdire la vente de nouvelles voitures thermiques à partir de 2035, il faut donc absolument inciter les consommateurs à se tourner vers l’électrique le plus rapidement possible.

Pour l’heure, seuls 13 % des immatriculations françaises au total sont électriques. Les freins à l’achat d’un véhicule électrique sont néanmoins bien connus des pouvoirs publics, comme la faible disponibilité des bornes de recharge. « On a pris un peu de retard, je ne le nie pas », concédait Olivia Grégoire, ministre des PME, le 7 février dernier. L’État s’était effectivement fixé un objectif de 100 000 points de recharge installés fin 2021 — un chiffre pas encore atteint au premier trimestre 2023. Dans le même ordre d’idées, selon l’Avere-France, les propriétaires de véhicules électriques sont plus à la recherche de bornes rapides ou ultrarapides lorsqu’ils ne sont pas chez eux, mais 90 % des points de recharge ouverts au public proposent une charge lente, peu utile en déplacement. Plus précisément, à peine 7 % des bornes proposent une puissance de charge égale ou supérieure à 150 kW.

Les pouvoirs publics doivent donc absolument investir massivement dans les bornes (ultra) rapides, que ce soit sur les routes nationales, départementales ou les autoroutes. La multiplication de ces points de recharge aura pour conséquence d’augmenter la demande en véhicules électriques. Avec une électricité particulièrement décarbonée grâce au nucléaire, la France a même les moyens de devenir le fer de lance européen de cette révolution en faveur de la mobilité propre.

L’autoroute, terrain d’expérimentation de la décarbonation

« La route sera au cœur de la transition écologique », a affirmé le 31 janvier dernier Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, à l’occasion d’un colloque coorganisé par Vinci Autoroutes, L’Hémicycle et la Fabrique Écologique, sur le thème de la décarbonation du secteur routier. Car la décarbonation des transports va plus loin que les véhicules à proprement parler : ce sont les infrastructures qui doivent être ciblées par les politiques publiques. Là encore, l’État doit faire preuve de pragmatisme et investir dans les solutions qui existent déjà, le tout en partenariat avec le secteur privé.

Cela fait ainsi des années qu’APRR et Area (filiales d’Eiffage), ainsi que Vinci Autoroutes, planchent sur l’installation de panneaux photovoltaïques aux abords des autoroutes. Des panneaux qui permettraient, notamment, d’alimenter les points de recharge pour véhicules électriques. Les deux groupes ont identifié des centaines d’hectares sur leurs réseaux respectifs. Le traitement des dossiers par l’administration est souvent trop long et compliqué, et la nouvelle loi sur les énergies renouvelables, adoptée par l’Assemblée nationale le 31 janvier dernier, devrait seulement maintenant autoriser l’installation de panneaux sur une distance de 100 mètres de chaque côté des infrastructures. Des retards qui coûtent chers : Vinci Autoroutes estime que les 25 premiers parcs photovoltaïques ne verront le jour qu’en 2024. Les pouvoirs publics doivent donc accélérer la cadence et débloquer des fonds pour favoriser ces dispositifs en bonne intelligence avec les SCA.

Il en va de même pour les péages en « free flow », c’est-à-dire les péages sans arrêt ni barrière. Cette technologie devrait être généralisée le plus rapidement possible, car elle permet de réduire les émissions de CO2, notamment des poids lourds, en supprimant les arrêts et les redémarrages aux portiques. Pour l’heure, le dispositif est expérimenté sur plusieurs autoroutes, mais il n’a été installé définitivement que sur l’A79. Plusieurs autres axes (A13, A14, A69 et A40) devraient tout de même sauter le pas eux aussi prochainement. Il s’agit là d’un exemple de solution assez facile à mettre en place et qui ne vient pas perturber la vie des automobilistes, bien au contraire…

Les péages vont d’ailleurs jouer un rôle important dans la transition du secteur. Aujourd’hui environ 40 % du prix d’un péage revient directement dans la poche de l’État. Des milliards disponibles chaque année pour moderniser le réseau secondaire et financer une partie de la transition énergétique des autres moyens de transports. Selon un rapport publié en novembre 2021 par Altermind, 60 milliards d’euros seraient nécessaires pour mener à bien la transition sur le seul réseau autoroutier. Un montant énorme susceptible d’être réglé par le secteur privé si d’aventure les concessions venaient à être prolongées ou renouvelées à leur échéance à partir de 2031. Comme l’a souligné Clément Beaune, s’il ne s’agit pas de casser « le long terme » des concessions, mais de faire au mieux pour que ce modèle réponde plus encore à l’exigence environnementale, l’État doit se montrer pragmatique et s’appuyer sur les forces disponibles. Reste à mettre les moyens nécessaires en adéquation avec les objectifs fixés pour parer à l’urgence climatique.

Le monde d'aujourd'hui, pour moi, est fou. Une folie démesurée, dévastatrice et j'ai des doutes sur l'avenir. Mais je ne me laisse pas abattre ou baisser les bras, je le dois à mes enfants. J'essaie au travers de mes articles d'apporter mes connaissances et des solutions pour l'avenir de chacun. Les actualités que je traite sont orientées sur le climat et le développement durable car c'est ce qui me tient à coeur :)

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