Le changement climatique a des effets multiples et complexes sur les écosystèmes forestiers. Parmi eux, il affecte le cycle de dormance et de débourrement des bourgeons des arbres feuillus, qui détermine leur période de croissance et de reproduction. Selon une étude récente, le réchauffement automnal peut provoquer un réveil précoce des bourgeons, tandis que le manque de froid hivernal peut les maintenir endormis plus longtemps. Ces phénomènes peuvent avoir des conséquences importantes sur la survie et la distribution des espèces végétales.
La dormance des bourgeons : un mécanisme adaptatif
Les arbres feuillus ont développé un mécanisme adaptatif pour survivre aux conditions hivernales défavorables : la dormance des bourgeons. Il s’agit d’un état de repos physiologique qui réduit l’activité métabolique et la sensibilité aux stimuli environnementaux des organes végétatifs ou reproducteurs. La dormance se déclenche à l’automne, lorsque les températures baissent et que la durée du jour diminue, et se termine au printemps, lorsque les conditions sont favorables à la croissance.
Voici une vidéo relatant ces faits :
La dormance se compose de deux phases : l’endormance et l’éco-dormance. L’endormance est la phase où les bourgeons sont profondément endormis et insensibles aux variations de température. L’éco-dormance est la phase où les bourgeons sont prêts à se réveiller, mais restent fermés tant que les températures ne sont pas suffisamment élevées. Pour sortir de l’endormance, les bourgeons doivent accumuler un certain nombre d’heures de froid, appelées « chilling ». Ce processus permet de lever les inhibiteurs de croissance présents dans les tissus végétaux.
Le réchauffement climatique modifie la profondeur et la durée de la dormance
Le réchauffement climatique affecte la dormance des bourgeons de plusieurs manières. D’une part, il peut retarder le déclenchement de l’endormance à l’automne, en prolongeant la période de croissance des arbres. Cela peut entraîner une mauvaise préparation des arbres au froid hivernal et augmenter le risque de dommages par le gel. D’autre part, il peut réduire l’accumulation de chilling pendant l’hiver, en diminuant la profondeur et la durée de l’endormance. Cela peut prolonger la période d’éco-dormance et retarder le débourrement au printemps.
Cependant, le réchauffement climatique peut aussi avoir un effet inverse : avancer le débourrement au printemps. C’est ce qu’a montré une étude menée par Romain Garrigues et ses collègues sur le hêtre européen (Fagus sylvatica L.), une espèce largement répandue en Europe. Les chercheurs ont exposé des plants de hêtre à différentes températures automnales pendant deux ans, en réduisant systématiquement le chilling. Ils ont observé que le réchauffement automnal pouvait provoquer un réveil précoce des bourgeons, en fonction de la date de sénescence (chute des feuilles) et de l’exposition aux températures élevées.
Des conséquences écologiques et économiques importantes
Le changement du cycle de dormance et de débourrement des bourgeons a des conséquences écologiques et économiques importantes pour les forêts. Il affecte la phénologie (calendrier biologique) des arbres, qui influence leur compétitivité, leur reproduction et leurs interactions avec les autres espèces. Il modifie également le bilan carbone des forêts, qui dépend du temps de croissance et de respiration des arbres. Il peut enfin entraîner des pertes de production et de qualité du bois, en réduisant la durée et l’intensité de la croissance annuelle.
Face à ces enjeux, il est essentiel de mieux comprendre les mécanismes et les facteurs qui régulent la dormance des bourgeons, ainsi que leur variabilité entre les espèces et les individus. Il est également nécessaire de développer des stratégies d’adaptation pour favoriser la conservation et la gestion durable des forêts. Parmi ces stratégies, on peut citer le choix d’espèces ou de variétés plus résistantes au changement climatique, la diversification des essences forestières, ou encore la restauration des habitats dégradés.
