L’électromobilité est l’un des grands défis de l’industrie automobile mondiale, qui doit faire face à la nécessité de réduire les émissions de CO2 et de s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs. Alors que certains pays, comme la Chine ou les États-Unis, ont pris une avance considérable dans le développement et la promotion des véhicules électriques (VE), l’Allemagne semble avoir du mal à suivre le rythme. Quels sont les obstacles et les opportunités pour le pays qui abrite les plus grands constructeurs automobiles européens ?
Un retard à rattraper
L’Allemagne s’est fixé comme objectif d’avoir 10 millions de VE sur ses routes d’ici 2030, dans le cadre de son programme de protection du climat. Pour y parvenir, le gouvernement fédéral a mis en place des mesures incitatives financières, comme le bonus écologique et la prime à l’innovation, qui réduisent le coût d’achat des VE. Il a également adopté la loi sur l’électromobilité (EmoG) en 2015, qui accorde des avantages aux VE, comme des réductions de frais de stationnement ou des exemptions de restrictions d’accès.
Voici une vidéo en anglais relatant ces faits :
Ces efforts ont porté leurs fruits, puisque le nombre de VE immatriculés en Allemagne a atteint le million en juillet 2021, avec quelques mois de retard sur l’objectif initial fixé pour 2020. L’Allemagne se classe ainsi au deuxième rang européen, derrière la France, et au quatrième rang mondial, derrière la Chine, les États-Unis et le Japon.
Toutefois, ce résultat reste modeste au regard du potentiel du marché allemand, qui représente près de 20 % du PIB du pays et emploie plus de 800 000 personnes. Selon une étude du cabinet McKinsey, l’Allemagne devrait compter 8 millions de VE d’ici 2030 pour respecter ses engagements climatiques, ce qui implique un taux de croissance annuel moyen de 30 %. Or, la part des VE dans les ventes totales de voitures neuves en Allemagne n’était que de 13,5 % en 2021, contre 41 % en Norvège ou 10,7 % en Chine.
Des freins à lever
Plusieurs facteurs expliquent le retard de l’Allemagne dans le domaine de l’électromobilité. Le premier est la résistance des constructeurs automobiles allemands, qui ont longtemps misé sur les moteurs à combustion interne, notamment le diesel, et qui ont tardé à investir dans la recherche et le développement des VE. Selon une étude du Centre for Solar Energy and Hydrogen Research Baden-Württemberg (ZSW), les constructeurs allemands ne détiennent que 13 % du marché mondial des VE, contre 44 % pour les constructeurs chinois et 20 % pour les constructeurs américains.
Le deuxième facteur est le manque d’infrastructures de recharge adaptées aux besoins des utilisateurs. Selon l’Agence fédérale des réseaux (BNetzA), il y avait environ 44 000 points de recharge publics en Allemagne en juin 2021, soit un point pour 23 VE. Ce chiffre est loin d’être suffisant pour assurer une couverture optimale du territoire et rassurer les automobilistes sur l’autonomie des VE. Par ailleurs, la majorité des points de recharge sont de faible puissance (moins de 22 kW), ce qui implique des temps de recharge longs (plusieurs heures).
Le troisième facteur est le coût élevé de l’électricité en Allemagne, qui réduit l’attractivité économique des VE par rapport aux véhicules thermiques. En effet, l’Allemagne applique une taxe sur l’électricité de 2,05 centimes d’euro par kWh, ainsi qu’une contribution au financement des énergies renouvelables de 6,5 centimes d’euro par kWh, ce qui représente environ 40 % du prix de l’électricité pour les ménages. Ainsi, le coût moyen de recharge d’un VE en Allemagne est de 9,6 euros pour 100 km, contre 5,7 euros en France ou 3,9 euros en Chine.
Des opportunités à saisir
Malgré ces obstacles, l’Allemagne dispose de nombreux atouts pour rattraper son retard et devenir un leader de l’électromobilité. Le premier est la qualité et la compétitivité de son industrie automobile, qui bénéficie d’une forte capacité d’innovation et d’un savoir-faire reconnu dans le monde entier. Les constructeurs allemands ont pris conscience de l’enjeu stratégique que représente l’électromobilité et ont annoncé des plans ambitieux pour accélérer la transition vers les VE. Par exemple, Volkswagen prévoit de lancer 70 modèles électriques d’ici 2030 et de réaliser plus de 50 % de ses ventes en VE. BMW vise quant à lui 25 % de VE dans ses ventes en 2023 et 50 % en 2030.
Le deuxième atout est le potentiel de développement du marché intérieur, qui repose sur une demande croissante des consommateurs pour des modes de transport plus respectueux de l’environnement. Selon une enquête du cabinet Deloitte, 37 % des Allemands envisagent d’acheter un VE comme prochaine voiture, contre 28 % en 2019. Cette tendance est favorisée par la baisse du prix des batteries, qui représente le principal coût des VE, ainsi que par l’amélioration des performances et du design des modèles électriques.
Le troisième atout est la volonté politique affichée par le gouvernement allemand de soutenir le développement de l’électromobilité, tant au niveau national qu’européen. Outre les mesures incitatives financières déjà mentionnées, le gouvernement allemand a lancé en 2020 un plan de relance post-Covid-19 qui prévoit 2,5 milliards d’euros pour renforcer les infrastructures de recharge et la production de batteries. Au niveau européen, l’Allemagne soutient l’initiative « Green Deal », qui vise à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et qui implique la fin des ventes de véhicules à combustion interne à partir de 2035.